Ce mois-ci, dans notre série Esteam-toi, explorons comment les stéréotypes de genre se construisent dès l’enfance. Nous continuons d’interroger les jeunes sur les carrières genrées.
La parcours Esteam-toi est le fruit d’un partenariat entre l’IFAPME et Youthstart, Cap Science, Kaleïdi, le SPARKOH! et les Cités des Métiers. Le jeu de mot du parcours porte en lui ses objectifs. Les apprenant·e·s qui n’ont pas encore posé leur choix de métier ont besoin de prendre confiance en elles·eux. Notre pari est qu’un parcours mêlant des activités d’orientation à la découverte des logiques STEAM les mènera simplement à une meilleure estime d’elles·eux-mêmes et leur permettra de poser un choix réfléchi sur leur futur.
Stéréotypes : ce que dit la recherche
Les stéréotypes de genre persistent dans de nombreux aspects de notre société, y compris le monde professionnel. Des études psychologiques ont révélé que dès le plus jeune âge, les enfants sont exposés à des idées préconçues sur leurs propres capacités ainsi que les capacités intellectuelles de leurs pairs. L’apparition de ces préconceptions, vers l’âge de 5-6 ans, impacte non seulement l’intérêt des enfants pour certaines matières scolaires, mais aussi leurs projections pour l’avenir et leurs orientations.
De l’enfance à l’âge adulte
Lin Bian et d’autres chercheur·e·s [1] des universités d’Illinois et de New-York, ont mené en 2016 une vaste enquête auprès d’enfants de 4 à 8 ans. L’objectif était de comprendre comment, et à quel âge, la perception des pairs comme « intelligent·e·s » et « capables » évoluait. La charnière de 5 à 6 ans est donc apparue, en étant particulièrement frappante chez les petites filles. Dans des travaux complémentaires, le groupe de recherche a mis en relation la présence de ce biais de capacité avec la faible représentation des femmes dans les carrières STEM. Ce résultat fait preuve du fort impact que peut avoir l’apprentissage d’un stéréotype dans l’enfance jusqu’à l’âge adulte.
Par ailleurs, le chercheur Andrei Cimpian s’est penché sur la manière dont les stéréotypes de genre se forment et se consolident dans l’esprit des jeunes. Ses travaux ont révélé que l’environnement social, y compris la famille, l’école et les médias, joue un rôle crucial dans la construction de ces stéréotypes, créant ainsi des barrières psychologiques qui limitent les aspirations des enfants.
Qu’en est-il auprès des jeunes du programme Esteam-toi ?
Après avoir visionné les portraits-vidéo de professionnel·le·s d’un genre minoritaire dans leur métier (lire le premier article), les réactions des jeunes sont assez similaires. Nous regroupons ici les retours des centres de Verviers, La Louvière, Tournai et Namur.
L’un des participant·e·s fait remarquer qu’une femme travaillant dans un environnement masculin reçoit plus de crédits qu’un homme dans la situation inverse. Ce cas-de-figure illustre la continuité à l’âge adulte des biais de capacités construits dans l’enfance. Cependant, l’appréciation des qualités professionnelles semble moins stéréotypée qu’imaginée : la plupart des participant·e·s jugent que les compétences de la personne concernée prévalent sur son genre.
Mauvais genre ?
Une participante soulève également un point qui n’a jusqu’alors pas été abordé : la persistance de certains stéréotypes du fait de l’inadéquation de la tenue de travail. Ce témoignage révèle qu’au-delà de la déconstruction individuelle des stéréotypes, les entreprises se doivent d’offrir un cadre plus égalitaire – notamment en proposant de l’équipement adapté.
Pourquoi déconstruire les stéréotypes ?
Déconstruire ces représentations devient impératif pour accompagner les jeunes dans leurs orientations et créer un environnement professionnel équitable. Encourager une éducation qui promeut l’égalité des opportunités permet d’éliminer les barrières psychologiques qui limitent les aspirations des enfants en fonction de leur genre. Des initiatives comme celles du programme Esteam-toi participent à libérer les jeunes d’une forme d’autocensure aspirationnelle. Parmi les différents groupes, peu de jeunes déclarent avoir déjà envisagé une carrière dans un métier représenté par le genre opposé. Nous pouvons imaginer que les ateliers permettent d’ouvrir des nouvelles voies d’orientation ou du moins, aider ces jeunes à être conscient·e·s de leur parcours et environnement.
D’autres initiatives à l’instar de GirlsInSTEM encouragent la promotion de modèles féminins dans des domaines traditionnellement masculins. Ce type de programme contribue à changer les perceptions et à construire un avenir professionnel plus égalitaire.
[1] Lin Bian et al., Gender stereotypes about intellectual ability emerge early and influence children’s interests. Science n°355, p389-391, (2017) https://www.science.org/doi/10.1126/science.aah6524
Autres sources : Sarah-Jane Leslie et al. ,Expectations of brilliance underlie gender distributions across academic disciplines. Science n°347, p262-265, (2015) https://www.science.org/doi/10.1126/science.1261375
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