Avec sa thèse de doctorat à L’UMONS, Nicolas Brasero a contribué à une meilleure connaissance des bourdons et de leur comportement au moment de la parade nuptiale. On lève le coin du voile sur ce monde méconnu…
En matière de techniques d’approche et de séduction, les animaux rivalisent d’imagination ! Chants et cris spécifiques, couleurs chatoyantes, danses et parades, cadeaux, combats entre rivaux : chaque espèce a développé sa propre façon de draguer !
Pour se reconnaître et s’accoupler, les bourdons utilisent quant à eux des composés chimiques. C’est ce qu’a notamment étudié Nicolas Brasero durant sa thèse de doctorat au sein du laboratoire de zoologie de l’Institut de recherche en biosciences de l’UMONS, intitulée « From taxonomy to chemo-ecology – new insight into the most diverse group of bumblebees (Thoracobombus subgenus)» et défendue en septembre 2018. Il s’est plus particulièrement attaché à apporter de nouvelles données sur le sous-genre le plus diversifié des bourdons, les Thoracobombus. Il a pu rassembler un grand nombre de données grâce à l’envoi de matériel par des collègues entomologistes aux quatre coins du monde (Iran, Turquie, Colombie…) et en partant lui-même les collecter non seulement en Europe – dans les Pyrénées, les Alpes et les Apennins – mais aussi au Mexique et en Mongolie.
Des phéromones pour attirer les futures reines des bourdons
Darwin déjà avait noté que des bourdons mâles effectuaient des circuits de patrouille tout en s’arrêtant régulièrement sur des feuilles, des branches ou des pierres, comme pour marquer ces endroits. Suite à ces observations, Sladen, en 1912, émit l’hypothèse que les mâles produisaient au niveau de leur tête des odeurs spécifiques, des phéromones, qu’ils disposaient le long de leur circuit de patrouille pour attirer les femelles.
Mais ce comportement de patrouille n’est qu’un des trois types de parades nuptiales développées par les mâles pour séduire de futures reines. Certains ont un comportement dit de perchage : ils se positionnent sur un « perchoir » et guettent le passage d’une femelle ; d’autres se regroupent simplement à la sortie du nid et attendent que les futures reines en sortent.
Bourdons : une chimie complexe
Nicolas Brasero s’est donc intéressé à analyser les sécrétions produites par les mâles dans cette phase d’accouplement. Ces composés chimiques, produits à l’arrière de l’oeil, sécrétés à la base des mandibules, proviennent de glandes qui occupent plus de la moitié de la tête du bourdon : les glandes labiales céphaliques. Ce sont des mixtures complexes qui comptent plusieurs dizaines voire une centaine de composés différents.
Grâce à des machines bien spécifiques, des chromatographes en phase gazeuse qui permettent, en les chauffant, d’emporter les composés un par un vers un spectromètre de masse, on peut définir l’identité des différentes molécules.
Des phéromones sexuelles attractives à longue distance
En comparant différents chromatogrammes ainsi obtenus, on peut mettre en évidence que chez les bourdons – comme chez d’autres groupes d’animaux – des composés en début de chromatogrammes, plus légers, jouant un rôle important dans la rencontre des conjoints. Ainsi, Nicolas a pu corroborer, sur les spécimens qu’il a étudiés, la littérature existant en la matière : les phéromones sexuelles attractives à longue distance – celles correspondant aux comportements de circuits de patrouilles – semblent être pour la majorité composées de 16 et 18 atomes de carbone et caractérisées par une masse moléculaire moyenne de 235. Ces composés volatils sont des alcools, des aldéhydes ou des acétates et sont certainement amenés à jouer un rôle d’attraction des femelles vierges.
Tandis que pour les bourdons attendant leur future reine à la sortie du nid, on observe une forte concentrations de composés possédant 18 et 20 atomes de carbone en début de chromatogramme. La masse moléculaire moyenne est ici de 288. En effet, les mâles vont à la rencontre de femelles à la sortie des nids et l’émission de composés avec 16 atomes en grande quantité ne semble pas avoir d’intérêt direct.
Questions et perspectives autour des bourdons
Il est donc possible aujourd’hui de mesurer l’activité cérébrale chez les abeilles lorsqu’elles sont soumises à des molécules différentes. Il serait dès lors intéressant d’étudier de nouvelles problématiques, parmi lesquelles :
- Un même composé retrouvé en grande quantité en début de chromatogramme induit-il une activité similaire dans le cerveau de reines d’espèces différentes ?
- Lorsqu’une reine a déjà été fécondée, un même composé peut-il induire une réponse différente ?
Mais ça, c’est une autre histoire!!
A savoir : les bourdons
Les bourdons sont des insectes sociaux primitifs de la famille des Apidae et sont considérés comme des pollinisateurs indispensables. En comparaison avec la majorité des autres espèces d’abeilles, ce sont des organismes de grande taille. Ils sont couverts d’une épaisse fourrure de soies plumeuses qui, en plus de capter efficacement les grains de pollen leur permet d’être très particulièrement bien adaptés aux régions froides. Ils sont présents sur tous les continents à l’exception de l’Antarctique, l’Océanie et l’Afrique sub-saharienne. Cependant, certaines régions comme la Nouvelle-Zélande et la Tasmanie ont été envahies par Bombus terrestris, l’une des espèces commercialisées à travers le monde.
Le genre Bombus (bourdons) forme un groupe de plus de 250 espèces réparties en 15 sous-genres. La morphologie a longtemps été utilisée comme critère principal pour les identifier, mais les bourdons se ressemblent fort… Les critères chimiques et génétiques facilitent aujourd’hui leur délimitation, mais permet également la découverte de nouvelles espèces !
Le cycle de vie des bourdons
En tant qu’animaux sociaux primitifs, les bourdons se caractérisent par une organisation sociale hyper structurée ainsi que par la présence d’une phase solitaire de la reine au cours de son cycle. Les mâles et les reines assurent le rôle reproducteur tandis que les ouvrières assurent le maintien de la colonie.
Le cycle annuel des colonies en milieu tempéré se divise en plusieurs phases :
– Fondation : suite à une hibernation de plusieurs mois et au réchauffement des températures, la reine émerge de son hibernaculum et cherche un site de nidification, par exemple d’anciens nids de petits mammifères. Elle y fait ses réserves de nourriture – pollen et nectar- avant d’y pondre ses premiers œufs fécondés (appelés diploïdes).
– Croissance : lorsque les premières ouvrières émergent, elles assurent les tâches de collecte de nourriture et de maintenance du nid. La reine continue à pondre et à couver. La colonie prolifère. La reine exerce sur l’ensemble des ouvrières un contrôle chimique inhibant le développement des ovaires : elle est la seule à pouvoir pondre !
– Accouplement puis déclin : vers la fin de l’été, la colonie compte plusieurs centaines d’individus ; le contrôle chimique exercé par la reine s’estompe. Les ouvrières, non fécondées, se mettent alors à pondre des œufs non fécondés (dits haploïdes) qui donnent naissance à des mâles. La reine, après avoir épuisé son stock de spermatozoïdes, pond également des œufs haploïdes. Cependant, les derniers œufs diploïdes pondus par la reine donnent naissance aux nouvelles reines.
– Nouveau cycle : nouvelles reines et mâles sortent de la colonie. Les mâles effectuent leur parade nuptiale et s’accouplent avec les reines vierges. Le cycle recommence ainsi…
- A relire, sur un thème similaire : Les abeilles, thermomètres de la planète
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