Des premiers habitats sédentaires au Proche-Orient il y a plusieurs millénaires au centre médiéval de Strasbourg, l’architecture en terre crue s’est développée depuis des siècles et aux quatre coins de la planète. Durable sur bien des plans tout en étant confortable, elle revient sur le devant de la scène : en 2016 était décerné le Terra Award, premier prix mondial d’architecture contemporaine en terre crue.
Timidement mais sûrement en Belgique, de façon sans doute plus prononcée en France ou en Allemagne, l’architecture en terre crue fait son grand retour. Récemment, les facultés d’architecture des universités francophones, une haute école, les clusters d’éco-construction wallon et bruxellois, le centre de recherche CERAA ont décidé de mettre cet art et cette technique en avant en accueillant une exposition itinérante qui mettait en valeur les bâtiments contemporains primés par le Terra Award, mais passait également en revue les différentes techniques utilisées en terre crue et leurs avantages. Parallèlement, des étudiants de ces différentes écoles ont participé à des workshops d’initiation : les futurs architectes sont donc à nouveau sensibilisés à cette technique ancestrale et néanmoins résolument contemporaine, qui avait été mise de côté dans le cursus scolaire.
Sous l’égide de David Bayle (architecte, assistant et doctorant), le service de génie architectural urbain de la Polytech (UMONS) a orchestré l’étape montoise de l’exposition.
Pourquoi ce retour à la terre crue ?
Pour ses aspects écologiques. La terre, c’est un matériau de proximité. Alors que le béton et l’acier sont en général importés et/ou transformés, la terre se trouve le plus souvent dans des gisements locaux, ce qui favorise l’économie locale. Plusieurs entreprises se sont d’ailleurs développées en Wallonie, de Houyet à Hautrage. L’extraction et la mise en œuvre de la terre crue génèrent moins d’énergie que d’autres matériaux actuellement utilisés. Par exemple, préparer de la terre crue nécessite 6 fois moins d’énergie que les briques cuites. Enfin, c’est un matériau recyclable.
Pour le confort naturel qu’elle procure. Son inertie thermique, son isolation acoustique, sa faculté de réguler le taux d’humidité du bâtiment en font un matériau de choix qui permet d’éviter le recours à des produits industriels.
La terre crue : un cv très fourni !
A la fin du dixième millénaire avant notre ère, les habitats des premiers sédentaires au Proche-Orient ont été modelés avec de la terre argileuse amendée de fibres végétales. Que ce soit en bauge, en torchis ou en briques de terre crue façonnées à la main, les différentes techniques se retrouvent sur tous les continents et sous tous les climats : en péninsule arabique, au Burkina Faso ou au Bénin, dans les zones tropicales d’Amérique et d’Afrique, dans les Abruzzes en Italie, le Devon anglais, la Vendée ou la Normandie. Le recours au pisé arrive plus tard, mais on le retrouve dans des constructions aussi diverses que la Grande muraille de Chine, l’Alhambra de Grenade ou les maisons du Vieux-Lyon…
D’autres techniques sont plus contemporaines, comme les blocs de terre comprimée, qui datent des années 50 et connaissent de beaux développements en Amérique du Sud et en Afrique. Une version de la brique sans cuisson, ce qui réduit l’empreinte carbone !
En Belgique aussi, il existe des témoins de ces différentes techniques historiques de bâti en terre crue.
« C’est un savoir-faire qui a été mis de côté au 20e siècle en Europe avec l’avènement du béton », constate Nicolas Atlé, professeur-assistant au service de génie architectural urbain de la Polytech Mons, qui réalise une thèse de doctorat sur les « matériaux mous ». « Il semble révolu et lié aux habitats traditionnels d’autrefois, mais l’objectif est de faire reconnaître la terre crue comme une technique de construction contemporaine, vraiment adaptée aux enjeux d’aujourd’hui. Et c’est vrai que les exemples contemporains donnent assez envie ! »
Le champ d’exploration est vaste. Certains chercheurs travaillent aussi assidument à la possibilité de recourir à l’impression 3D pour la construction en terre crue.
Et à côté du travail de sensibilisation des étudiants, des concepteurs et des entrepreneurs, il faut également faire évoluer l‘arsenal législatif en la matière…
Pour prolonger la découverte : Architecture en terre d’aujourd’hui, Dominique Gauzin-Müller, Museo Editions, CRAterre éditions, Terra Award.
Paille-Tech : les maisons positives
Naturel, sain, performant : c’est ainsi que la jeune société coopérative Paille-Tech qualifie l’habitat qu’elle propose à la construction. Le gros œuvre est constitué de bois, de paille et de terre, trois matériaux renouvelables, naturels et locaux. La mise en œuvre de ces ballots de paille dans l’ossature bois est réalisée en atelier pour minimiser les nuisances sur chantier. Paille-Tech, pionnière en Belgique, se targue non seulement de produire des bâtiments passifs ou à très basse énergie en développant une économie circulaire locale mais en plus de stocker du CO2 plutôt que d’en consommer, grâce au bois et à la paille. C’est ce que l’entreprise appelle la « maison positive »…
Dans l’exposition Nature 2.0, découvrez d’autres idées pour l’architecture, l’urbanisme et les matériaux de demain.
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