« La nature de cette correspondance démontrera la nécessité du secret ; et nous avons promis à Messieurs X. et Y. que leurs noms ne seraient en aucun cas rendus publics. »
Message secret entouré de mystère, cette communication de Charles Pinkney en 1797 est la première utilisation enregistrée de X en dehors des mathématiques.
De la science au cinéma, partout dans le monde, la lettre ‘X’ est utilisée pour représenter l’inconnu. Si omniprésent est X, il est facile d’imaginer que cela a toujours été le cas. Comment l’énigmatique et modeste X est-il devenu le champion de l’inconnu ?
Comme le gin tonic, les mathématiques et la notation sont une association naturelle. Cependant, tout comme le gin tonic, il s’agit d’un accord relativement récent. Les premières mathématiques, enregistrées sur des tablettes babyloniennes datant de 1700 av. E.C., décrivent les calculs comme un récit, sans aucun symbole mathématique spécifique. Ces textes sont conversationnels et parfois dramatiques, un orateur donnant des instructions à un second qui raconte ensuite le résultat au lecteur. Cette méthode engageante était idéale pour résoudre des problèmes géométriques ou identifier des modèles, tels que la prédiction d’éclipses.
S’inspirant des connaissances et des traditions babyloniennes, les Grecs ont élargi le domaine des mathématiques et ont créé de nombreux textes fondamentaux que nous continuons d’étudier aujourd’hui. Parmi les grands érudits de cette période, Pythagore s’impose comme l’incarnation d’un génie fou : développant le théorème de Pythagore mais refusant d’uriner vers le Soleil ; popularisant l’idée de la preuve mathématique mais refusant de croiser un âne dans la rue. Contrairement aux Babyloniens et autres mathématiciens avant lui, Pythagore ne considérait pas les mathématiques comme un simple moyen de résoudre des problèmes pratiques mais comme une discipline à part entière. Il a consacré une grande partie de son temps à explorer les relations entre les nombres, tels que les nombres parfaits et premiers, jetant les bases de la théorie moderne des nombres.
Bien que les Grecs de l’Antiquité n’aient peut-être pas introduit notre X, ni en fait aucune forme de notation cohérente, ils ont développé de nombreux principes mathématiques encore utilisés aujourd’hui. Les éléments de géométrie d’Euclide (alias le manuel le plus réussi de tous les temps), publié il y a plus de 2000 ans, sont toujours utilisés dans les études de géométrie et de théorie des nombres.
Au tournant de l’ère commune, il n’y avait pas que les Grecs qui avaient fait progresser leur compréhension des mathématiques. Les mathématiciens et universitaires indiens, qui connaissaient déjà bien les équations euclidiennes, ont apporté la contribution la plus significative à la discipline. Ils ont découvert… rien. Le zéro.
La découverte du zéro a été une percée incroyable. Son existence signifiait que les calculs n’auraient plus à être expliqués par un long récit et ouvrait la voie à l’algèbre, aux algorithmes et au calcul modernes. Près de 800 ans après sa première utilisation enregistrée, le mathématicien persan Al-Khwarizmi a introduit le concept de zéro, ainsi que les nombres moins et les chiffres arabes, en Europe. Avec ces nouveaux outils d’abstraction, les mathématiques pourraient enfin être utilisées pour explorer l’inconnu.
Mais qu’entend-on par l’inconnu ? Donald Rumsfeld explique :
« Comme chacun le sait, il y a le connu connu, c’est à dire les choses que nous savons que nous savons ; nous savons aussi qu’il y a l’inconnu connu, c’est à dire les choses que nous savons que nous ne savons pas ; mais il y a aussi l’inconnu inconnu — les choses que nous ne savons pas que nous ne savons pas. »
Plutôt qu’utiliser le langage courant pour décrire ces concepts, comme les Babyloniens, les mathématiques modernes se sont tournées vers la notation symbolique comme un moyen plus efficace de travailler avec différents types d’inconnues.
Avec l’arrivée de l’imprimerie au XVe siècle est venue également une explosion de publications mathématiques, chacune avec son propre système de notation. Dans une tentative d’étendre et de normaliser la notation, le mathématicien français François Viète a tenté d’introduire un nouveau système par lequel les voyelles représenteraient les inconnues inconnues et les consonnes les inconnues connues. Cependant, l’absence de tout organisme de réglementation de la notation mathématique signifiait que l’adoption d’un système de notation plutôt qu’un autre dépendait de la popularité de son auteur. Malgré son importance pour l’algèbre moderne, ‘Opera Mathematica’ de Viète n’était pas assez populaire pour catalyser la normalisation.
C’est en 1637 que X, tel que nous le connaissons aujourd’hui, apparait pour la première fois dans le livre très populaire ‘La Géométrie’ de René Descartes. Bien que, selon les propres mots de l’auteur, le livre « ait repris là où Viète s’était arrêté », Descartes a opté pour un système de notation différent : X, Y et Z pour représenter les inconnues inconnues et A, B et C pour les inconnues connues. Mais la question demeure, pourquoi X ? Pourrait-il avoir des connotations chrétiennes ? Descartes était notoirement croyant. Serait-ce sa forme ? Deux têtes de flèche pointant vers la réponse. Ou y a-t-il quelque chose d’intrinsèquement mystérieux autour du X ? Deux lignes infiniment longues, se rejoignant en un point, au-dessus du trésor caché.
Cela reste inconnu.
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Lectures complémentaires
Une histoire des notations mathématiques, Florian Cajori
Unknown Quantity: A Real and Imaginary History of Algebra (Anglais), John Derbyshire
Une histoire de l’algèbre d’al-Khwārizmī à Emmy Noether, Waerden, Bartel L. Van Der
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