Selon l’ONU, le pourcentage de la population mondiale n’ayant pas un accès à l’eau a fortement diminué ces dernières années. Reste le point noir de l’Afrique et des zones péri-urbaines autour des mégalopoles. Le point en quelques chiffres.

À l’heure où l’Exposition universelle ouvre ses portes à Milan sur le thème « Nourrir la planète », si on se penchait sur le pendant de cette question : comment, à l’aube du 21e siècle, donner l’accès à l’eau aux habitants de la terre ?
Depuis l’ouverture de l’exposition H2O fin 2007, le Pass invite ses visiteurs à réfléchir à la question, notamment à travers le film diffusé sur les grands écrans du Palais des Images. Un plongeon de 18 minutes dans le monde de l’eau, avec ses facettes les plus jolies, qui mettent en lumière l’eau comme source de vie, mais aussi des images assez dures, montrant le côté sombre de la problématique, alors que des millions de personnes encore aujourd’hui n’ont pas accès à l’eau potable ou meurent faute d’eau assainie.
Qu’en est-il 8 ans plus tard ? A-t-on progressé en la matière ? Voici quelques pistes de réflexion pour amorcer une réponse.

Riccardo Petrella, chantre de l’accès à l’eau pour tous

Riccardo Petrella

Riccardo Petrella

Dans le film H2O, l’économiste et politologue Riccardo Petrella, responsable du Comité international pour le Contrat mondial de l’eau et figure emblématique de l’altermondialisme, y rappelle sa conviction : bien que la quantité d’eau consommable soit suffisante pour répondre aux différents besoins des 6,5 milliards d’êtres humains de la planète, sa répartition est plus qu’inégale entre les différentes populations. L’eau est donc un véritable enjeu socio-économique.
Celle-ci ne semble pas manquer, mais fait pourtant cruellement défaut dans certaines régions du globe. Des années durant, Riccardo Petrella a mené le combat pour que l’eau ne soit pas considérée comme un bien de consommation, mais comme une denrée de bien commun, un droit fondamental. « Nous ne sommes pas des consommateurs d’eau. Nous sommes des êtres vivants… d’eau !« , scande-t-il dans le film. « Il y a trois grandes choses qui devraient être gratuites, alors que nos sociétés ont tout mis dans le marché. C’est l’air. C’est l’eau. C’est le soleil. Quelle société est-elle, quelle économie est-elle, cette économie, qui ne permet pas à 3 milliards de gens d’avoir accès à la vie ? »

Les chiffres de l’eau en 2007

Voici quelques chiffres éloquents parmi ceux cités dans le film (chiffres datant de 2007, donc) :
– En Europe, nous consommons 8 fois plus d’eau douce à la maison que nos grands-parents.
– L’agriculture consomme 70% des prélèvements d’eau douce, soit 2,8 millions de milliards de litres par an.
– L’industrie consomme 20% des prélèvements d’eau douce, soit 800 mille milliards de litres par an. Une usine de composants électroniques, par exemple, consomme 18 millions de litres par jour, soit autant qu’une ville de 60.000 habitants en une année.
– 1 500 000 000 d’êtres humains sont privés d’eau potable.
– 20 millions de fillettes ne vont pas à l’école parce qu’elles doivent aller chercher de l’eau pour leur famille.
– 20 litres, c’est la consommation moyenne quotidienne d’un Africain. Un Européen consomme en moyenne 150 litres chaque jour; un Nord-Américain 300.
– L’urbanisation galopante a également des conséquences sur l’accès à l’eau : 3,5 milliards de personnes ne disposent ni d’égouts ni de système de traitement des eaux usées.
– 6 000 enfants meurent à cause de l’eau chaque jour : en 2004, les maladies liées à l’eau ont causé la mort de près de 8 millions de personnes. 10 fois plus que les guerres.

Aujourd’hui : un progrès indéniable, mais…

En 2010, la communauté internationale a reconnu que l’eau potable est un droit universel.

 

Depuis la réalisation du film en 2007, certaines choses ont évolué dans le bon sens. Ainsi, en 2010, la communauté internationale a reconnu que l’eau potable est un droit universel, après des années de combats menés par les ONG et le Contrat mondial de l’eau. Un immense pas en avant! Mais tout n’est pas réglé pour autant parce que ce droit est officiellement acquis : l’eau reste un enjeu économique énorme pour les entreprises distributrices ou les multinationales qui produisent des eaux en bouteille.

Autre avancée : selon le rapport annuel 2015 de l’ONU, le pourcentage de la population n’ayant pas accès à l’eau potable a été divisé de moitié en 20 ans. L’« objectif du millénaire pour le Développement » concernant l’accès à l’eau potable s’est réellement amélioré dans plusieurs régions du monde, même si ces chiffres prêtent à discussion étant donné qu’on ne fait pas la distinction entre les personnes disposant d’un robinet chez eux de celles devant encore s’approvisionner à une borne commune (et qu’on ne précise pas non plus à quelle distance cette borne est située).
Selon l’ONU, il reste 748 millions de personnes qui sont privées d’eau potable : si les pays d’Asie et d’Amérique du Sud ont atteint l’objectif selon l’Organisation des Nations Unies, les gros points noirs restent l’Afrique, mais aussi les mégalopoles avec leurs nombres croissants de bidonvilles. En Afrique subsaharienne en effet, 36% de la population ne dispose toujours pas d’un point d’eau accessible. Avec un problème d’inégalité supplémentaire concernant les filles et les femmes, chargées de la corvée de l’eau, et donc privées d’éducation.

Eaux non assainies, vecteurs de maladies

Concernant l’assainissement de l’eau, le bulletin est beaucoup plus alarmant : 2,5 milliards de personnes vivent sans aucun raccordement à un système de collecte des eaux usées, avec les conséquences que l’on devine sur la pollution des cours d’eau et la propagation de maladies diverses et mortelles. 1,6 million d’enfants décèdent encore chaque année de maladies liées à l’eau… Lors de la dernière Journée mondiale de l’eau en mars, l’Unicef attirait l’attention sur le fait que l’épidémie d’Ebola avait fortement augmenté les besoins en eau dans une région qui n’en dispose déjà pas de beaucoup, puisqu’un minimum de 150 litres d’eau par jour était nécessaire pour s’occuper d’un patient.
Les toilettes restent un luxe pour 2,5 milliards de personnes sur la terre…alors que dans les pays développés, chaque fois que l’on tire la chasse, on utilise, selon les systèmes, entre 3 et 10 litres d’eau, le plus souvent potable…

L’Europe n’est pas épargnée

Terminons sur un phénomène dénoncé récemment par les défenseurs du Droit à l’eau : on parle peu de l’Europe dans cette problématique, puisque la grande majorité des habitations sont raccordées à l’eau et que les stations d’épuration constituent la normalité. Pourtant, la situation se dégrade sur le Vieux Continent, alors que les sociétés de distribution coupent l’accès à l’eau à ceux qui ne paient pas. Et de remettre l’accent sur le droit fondamental d’accès à l’eau, loin de la vision de profit des sociétés privées.